Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Investir pour la france de 2030 ; plan de relance

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

S'il y a un budget en augmentation dans ce projet de loi de finances, c'est bien celui de France 2030 : 7,7 milliards d'euros, en hausse de 26 %. On peut dire que quand il s'agit des entreprises et de l'innovation, l'argent magique, ça existe !

À quelles entreprises et à quels projets ces montants importants sont-ils consacrés ? Nous n'avons que des informations bien partielles à ce sujet. Aucun document ne retrace les montants par projet. La première question est donc celle de la transparence. Parlementaires comme citoyens, comment pouvons-nous valider le bon usage de cet argent public sans avoir d'informations précises ?

Tout juste apprend-on qu'Engie bénéficiera de 2,4 millions d'euros pour des projets relatifs aux carburants aéronautiques durables ; que TotalEnergies touchera 5 millions d'euros pour la récupération de chaleur dans l'une de ses raffineries mais aussi 4,7 millions pour des bornes de recharge électrique ; qu'Airbus Helicopters empochera 200 millions d'euros, et qu'ArcelorMittal va même toucher 850 millions d'euros pour décarboner partiellement ses processus de production d'acier. Rappelons quand même le résultat net de ces entreprises au premier semestre de 2023 : 2,6 milliards d'euros pour ArcelorMittal et 9,6 milliards d'euros pour TotalEnergies !

La deuxième question est donc la suivante : dans quelle mesure faut-il aider des entreprises largement bénéficiaires qui ont les moyens de financer la décarbonation de leurs processus de production ? Ces aides sont d'ailleurs accordées sans aucune condition. Nous vous proposerons des amendements pour conditionner l'octroi de ces aides à une trajectoire de réduction des émissions carbone, ou au moins – et c'est vraiment la moindre des choses – à la publication d'un bilan carbone.

Rappelons que 3 106 entreprises doivent, selon la loi, publier au moins tous les quatre ans un bilan carbone, et que 68 % d'entre elles ne remplissent pas leurs obligations ! Que faites-vous, monsieur le ministre, pour que ces entreprises publient leur bilan d'émissions de gaz à effet de serre, comme elles le devraient ? Comment voulez-vous qu'on croie à l'engagement de ces entreprises dans la transition écologique si elles ne publient même pas un bilan carbone ?

Troisième question, peut-être la plus importante : les ménages sont-ils aidés autant que les entreprises ? Anne Bringault, membre de Réseau Action Climat, disait récemment : « En matière de transition écologique, il faut aider ceux qui en ont le plus besoin. » Malheureusement, c'est l'inverse qui est fait aujourd'hui. D'un côté, le Gouvernement aide massivement les entreprises, qui captent au moins 1,5 des 7 milliards d'euros annoncés pour l'écologie, auquel il faut ajouter 1,4 milliard sur la période 2024-2027 pour le nouveau cadeau aux entreprises, le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV). De l'autre côté, les ménages attendent toujours des aides qui demeurent insuffisantes.

Selon l'étude du Conseil économique, social et environnemental (Cese) parue la semaine dernière, 37 % des Français affirment ne pas avoir les moyens d'adopter un comportement plus vertueux en matière écologique. Il est impossible, pour nombre d'entre eux, de changer de véhicule ou d'isoler leur logement. Pourtant, le PLF pour 2024 n'alloue que 500 millions d'euros supplémentaires à MaPrimeRénov', alors que le reste à charge des ménages qui isolent leur logement représente souvent plus d'un an de revenus pour les classes moyennes, et dix ans ou plus pour les foyers les plus modestes.

France 2030 fait aussi transparaître votre vision de l'écologie, celle d'un technosolutionnisme selon lequel il suffirait de remplacer une énergie par une autre pour continuer exactement comme avant, business as usual. Tout changer pour ne rien changer, en quelque sorte ! Or les écologistes vous le disent : la technologie fait partie de la solution, mais elle ne fera pas tout. Nous devrons changer nos façons de vivre, de nous déplacer et de consommer. Nous devrons en particulier apprendre à consommer moins d'énergie, sans nous contenter de changer d'énergie.

La réduction de la demande énergétique est d'ailleurs le facteur clé des quatre scénarios élaborés par l'Ademe pour réaliser nos objectifs climatiques. Nous ne pourrons atteindre la neutralité carbone si nous ne réduisons pas notre consommation d'énergie de 23 % à 55 % d'ici à 2050. Que faites-vous pour y parvenir ? Que faites-vous pour donner aux Français les moyens de s'adapter à la transition écologique, en particulier pour réduire leur consommation et leur facture d'énergie ?

TotalEnergies n'a pas besoin de vous, monsieur le ministre délégué, mais les Français, si : ils veulent adopter un mode de vie plus écologique. C'est notre responsabilité, et vous avez la responsabilité de les aider.

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